Réserves internationales et stabilité du taux de change : un tournant monétaire en Haïti entre 2023 et 2025
Entre 2023 et 2025, la Banque de la République d’Haïti (BRH) a enregistré une amélioration notable de sa position extérieure. La réserve nette internationale (RNI), qui était tombée à environ 300 millions de dollars américains en 2023, a atteint près de 1,6 milliard de dollars en 2025. Cette évolution marque une rupture avec la tendance baissière observée les années précédentes et s’inscrit dans un contexte économique et sécuritaire particulièrement dégradé.
Une réserve mise à rude épreuve avant 2023
La forte contraction de la RNI observée jusqu’en 2023 s’explique principalement par le recours prolongé au financement monétaire du déficit public et par les interventions répétées de la banque centrale sur le marché des changes afin de contenir la dépréciation rapide de la gourde. Ces opérations, menées dans un environnement de faible croissance et d’instabilité politique, ont considérablement réduit la marge de manœuvre extérieure du pays.
À partir de 2023, la BRH a engagé un ajustement de sa stratégie monétaire, visant à freiner le financement monétaire, à mieux encadrer les interventions de change et à renforcer progressivement le niveau des réserves internationales. Selon la note de politique monétaire publiée au troisième trimestre de l’exercice fiscal 2024-2025, ces mesures ont contribué à la reconstitution rapide de la RNI.
Discipline budgétaire et coordination institutionnelle
Cette amélioration a été facilitée par l’évolution des opérations du Trésor public, qui ont affiché un excédent sur la période analysée. Cette situation a permis de réduire la pression sur la banque centrale et de s’aligner sur l’objectif de financement monétaire nul, inscrit dans le pacte de gouvernance signé entre le ministère de l’Économie et des Finances et la BRH en 2020, ainsi que dans le programme de référence avec le Fonds monétaire international (FMI).
La coordination entre les autorités monétaires et budgétaires apparaît ainsi comme l’un des facteurs clés ayant contribué à la stabilisation récente du cadre macroéconomique.
Le rôle central des transferts privés
L’évolution des réserves internationales s’explique également par la dynamique des transferts privés en provenance de l’étranger, qui continuent de jouer un rôle déterminant dans l’économie haïtienne. Entre octobre 2024 et juin 2025, ces transferts ont progressé de 22,1 % par rapport à la même période de l’exercice précédent, pour atteindre 3,31 milliards de dollars américains au 30 juin 2025.
Cette augmentation a permis à la BRH de renforcer ses capacités d’intervention sur le marché des changes. Au cours du trimestre analysé, la banque centrale indique avoir réalisé des achats nets de devises de l’ordre de 147 millions de dollars américains, contribuant à porter les réserves internationales brutes à un niveau équivalent à plus de six mois d’importations.
Une stabilité relative du taux de change
Le renforcement de l’offre de devises, combiné à un ralentissement de la demande de dollars lié à la contraction de l’activité économique et à la crise sécuritaire, a favorisé une stabilisation relative du taux de change depuis plus d’un an. Au 30 juin 2025, le taux de référence publié par la BRH s’établissait à 130,80 gourdes pour un dollar américain.
Cette stabilité reste toutefois fragile et largement dépendante de facteurs exogènes, notamment la situation sécuritaire, la poursuite des flux de transferts privés et la discipline budgétaire.
Une performance à nuancer dans un contexte de gouvernance fragile
Cette évolution positive de la politique monétaire contraste avec le diagnostic plus sombre dressé récemment par la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) sur l’état des finances publiques. Dans son rapport couvrant la période 2009-2024, la CSCCA souligne un paradoxe persistant : des avancées normatives importantes, mais une mise en œuvre insuffisante, se traduisant par une gouvernance budgétaire fragile et peu efficace.
Dans ce contexte, la capacité de la BRH à préserver une relative stabilité monétaire apparaît comme un facteur de résilience, sans pour autant compenser les faiblesses structurelles de l’économie ni les défis liés à l’insécurité, à la faible croissance et à la pauvreté.
Des marges de manœuvre encore limitées
Si la reconstitution des réserves internationales et la stabilisation du taux de change constituent des signaux encourageants, elles demeurent conditionnées à la poursuite des réformes, à la coordination des politiques publiques et à l’amélioration du climat sécuritaire. La soutenabilité de ces résultats dépendra également de la capacité de l’économie à renouer avec une activité productive plus dynamique, au-delà du rôle stabilisateur joué par les transferts privés.
Dans un pays confronté à des chocs multiples et persistants, la période 2023-2025 pourrait ainsi marquer un tournant monétaire important, dont les effets à moyen terme restent à consolider.

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