Il existe des pays que l’histoire secoue. Et il existe Haïti. Un territoire où chaque crise semble vouloir recouvrir la précédente, où les blessures collectives s’empilent sans jamais se refermer. Pourtant, au cœur de cette tourmente qui paraît infinie, un fait demeure étonnant pour ceux qui observent de loin : Haïti tient encore debout. Fragile, souvent épuisée, mais debout. Et si ni l’État ni l’économie ne joue plus ce rôle de pilier, c’est la culture qui continue de porter le pays comme une charpente invisible.
A un moment où tout semble s’effondrer, le Konpa vient d’être inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Ce n’est pas une simple distinction honorifique. C’est une reconnaissance mondiale pour une musique née dans les rues, portée par les bals populaires, façonnée par des artistes qui n’avaient parfois que leur talent pour exister. Le Konpa n’est pas seulement un rythme. C’est une langue à part entière. Il dit ce que les discours officiels ne disent plus. Il rassemble ce que la politique divise. Il rappelle au monde qu’Haïti existe aussi par sa créativité et sa contribution au patrimoine humain.
La littérature haïtienne, de son côté, continue de briller sur les scènes internationales. De nouvelles voix émergent. D’autres, déjà établies, confirment une maturité qui surprend les lecteurs du monde entier. À travers chaque roman, chaque poème, chaque essai, Haïti se réinvente. Tantôt refuge, tantôt douleur, toujours matière vivante pour raconter la vérité. Là où l’État s’efface, les écrivains bâtissent des ponts. Là où la société se déchire, les mots recousent.
Les artistes visuels, les musiciens, les danseurs, les artisans jouent eux aussi un rôle essentiel. Sans infrastructure solide, sans véritables politiques culturelles, ils continuent pourtant de créer, d’embellir, de porter la mémoire commune. La culture haïtienne se nourrit de débrouillardise. Elle avance sans attendre les financements, sans attendre les institutions. Elle trouve son chemin, même dans la tempête.
Ce paradoxe étonne souvent. Au moment où le réel menace de s’effondrer, c’est l’imaginaire qui soutient le pays. La culture n’est pas un divertissement. Elle soigne. Elle rassemble. Elle offre des repères quand tout bouge trop vite. Elle redonne du sens là où il n’y en a plus. Haïti traverse une période sombre, peut-être l’une des plus difficiles de son histoire récente. Mais chaque fois que la musique joue, que la plume trace une ligne, que le pinceau ajoute une couleur, une même certitude revient. Le pays refuse de disparaître.
On entend souvent dire que la culture est un luxe. En Haïti, c’est tout le contraire. C’est le dernier pilier. C’est ce qui relie lorsqu’il ne reste plus de ponts. C’est ce qui inspire lorsque l’espoir s’éteint. C’est ce qui tient encore le pays debout. Tant que le Konpa résonnera, tant que les artistes créeront, tant que les mots circuleront, Haïti continuera d’exister fièrement, malgré les fractures, malgré les tempêtes, malgré tout.

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