Port-au-Prince assiégée : quelle est la finalité de cette prise de contrôle par les gangs ?

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Depuis plus d’un an, la capitale haïtienne vit sous le règne des groupes armés, désormais unis sous la bannière de la coalition « Viv Ansanm ». Ces gangs ont progressivement étendu leur emprise sur Port-au-Prince, contrôlant aujourd’hui plus de 85 % du territoire. Leur avancée méthodique et leur organisation soulèvent une question importante : quel est leur véritable objectif ?
Les cartes de la violence à Port-au-Prince ne cessent d’être redessinées au gré des affrontements et des prises de territoire. Chaque gang impose sa loi sur des zones bien définies, créant une fragmentation qui rend toute circulation et toute activité économique extrêmement périlleuses.
Au sud de la capitale, le nommé Krisla domine Carrefour, Fontamara et Tibwa, tandis que Ti Lapli s’impose à Grand-Ravine et Carrefour-Feuilles. Plus à l’est, Izo exerce son autorité sur Village de Dieu. Dans les quartiers plus proches du centre-ville, Mikanò contrôle plusieurs zones jusqu’à Cité Soleil, pendant que Jimmy Chérizier, alias Barbecue, étend son influence sur Bas-Delmas.
Dans le nord, la situation est tout aussi chaotique : 400 Mawozo, sous la direction de Lanmò San Jou, dicte sa loi à Croix-des-Bouquets, pendant que Jeff Gwo Lwa s’impose en maître et seigneur à Canaan. Vitel’homme Innocent fait régner la peur à Tabarre, Pernier et sur la Route de Frères, tandis que Kempès tient Bel-Air d’une main de fer. Kenscoff, commune située dans les hauteurs de Pétion-Ville, un des rares refuges encore relativement épargnés, est le théâtre d’affrontements sporadiques.
Face à cet encerclement progressif, seuls Haut-Delmas et une partie de Pétion-Ville restent des zones encore relativement sûres. Pourtant, la menace se rapproche : les gangs évoquent de plus en plus ouvertement une bataille finale à Canapé-Vert et Pétion-Ville, ce qui pourrait signifier une extension totale de leur pouvoir.
Pourquoi cette prise de contrôle ? Entre hypothèses et incertitudes
Si la progression des gangs est indéniable, leurs intentions restent floues. Plusieurs hypothèses des citoyens circulent sur les raisons de cette conquête méthodique de Port-au-Prince :
- Un plan de déstabilisation politique et sociale ? Certains estiment que cette situation est entretenue afin d’empêcher toute stabilité en Haïti. La paralysie des institutions publiques, l’exode forcé des habitants et la peur généralisée empêchent toute initiative de reconstruction du pays.
- Une volonté de forcer l’exode ? La violence contraint des milliers de familles à fuir la capitale, créant un déplacement massif de population. Certains observateurs y voient une tentative délibérée de vider Port-au-Prince, peut-être pour faciliter un remaniement territorial ou politique.
- Une reconstruction planifiée ? Une autre théorie suggère que cette destruction progressive de la capitale prépare un projet de reconstruction à grande échelle, avec un contrôle des terres et une redistribution des zones urbaines sous un nouveau modèle. Cependant, aucun élément concret ne vient appuyer cette thèse.
Quelles que soient les motivations des gangs, les conséquences pour les habitants de Port-au-Prince sont désastreuses. La violence permanente entraîne la fermeture des écoles, des hôpitaux et des commerces. Les services publics sont paralysés, et l’accès à l’alimentation et aux soins devient un défi quotidien.
L’intervention de la force multinationale, censée aider les autorités haïtiennes à reprendre le contrôle, peine à contenir cette avancée. Malgré quelques opérations ciblées, les gangs restent maîtres du terrain et poursuivent leur expansion.
Le futur de Port-au-Prince est plus incertain que jamais. La population, épuisée et en détresse, attend des réponses et des actions concrètes. Mais en l’absence de stratégies efficaces et de moyens suffisants, les gangs continuent de renforcer leur pouvoir.
Quel est leur véritable objectif ? Une domination totale ? Une manipulation orchestrée dans l’ombre ? Un engrenage incontrôlable de violence sans fin ?
Une chose est sûre : tant que cette question restera sans réponse, Port-au-Prince continuera de sombrer dans l’incertitude et la peur.
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