Radiographie de l’accord du 3 avril 2024 : entre ambitions politiques et défaillances légales

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Les acteurs politiques haïtiens recourent fréquemment à des accords et compromis pour sortir des crises résultant de leurs désaccords. Ces arrangements politiques comportent souvent un contenu juridique destiné à pallier les insuffisances et lacunes de la constitution et des lois du pays, dont l’instrumentalisation par le pouvoir exécutif est l’une des causes du malaise des sociétés politiques haïtiennes. La relation entre les lois et les accords politiques en période de crise pose donc problème, en témoigne l’accord du 3 avril 2024, car il contient plusieurs irrégularités :

Premièrement, les parties impliquées dans cet accord, à savoir les Représentés (secteurs) et les Représentants (personnes physiques), ne sont pas clairement définies. Leurs noms, identifications et domiciles n’y figurent pas. De plus, les Représentants désignés avaient-ils obtenu mandat de leurs Représentés (secteurs) en vue de signer l’accord du 3 avril 2024 ? Pourquoi aucune mention des mandats n’est-elle incluse dans l’accord ?

Deuxièmement, certains secteurs mentionnés dans l’accord n’ont pas la personnalité juridique et ne peuvent donc pas signer d’accord. Ainsi, l’accord du 3 avril 2024 est nul et non avenu pour absence de personnalité juridique de certains des Représentés (secteurs). Par exemple, les associations signataires de cet accord ont-elles la personnalité juridique ? En d’autres termes, sont-elles reconnues d’utilité publique ? En effet, seule la reconnaissance d’utilité publique accorde la personnalité juridique aux associations.

Troisièmement, l’accord a été signé le 3 avril 2024, tandis que les membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) ont été officiellement nommés par décret le 16 avril 2024. Par conséquent, au moment de la signature de l’accord, les signataires n’étaient que des pressentis CP ; ils n’avaient pas été formellement désignés et n’avaient donc aucune qualité pour engager l’État haïtien dans un processus de transition portant sur des chantiers relevant du pouvoir régalien de l’État.

Quatrièmement, l’accord du 3 avril 2024 permet à certains secteurs, c’est-à-dire des Représentés, de s’immiscer dans le processus de transition alors qu’ils ont des Représentants (CP), créant une confusion inacceptable entre les Représentants et les Représentés et risquant de paralyser l’administration publique haïtienne.

En outre, cette analyse montre que la publication de l’accord du 3 avril 2024 remettrait en question le processus de nomination du Premier Ministre (voir article 6 de l’accord). Le Conseil Présidentiel de Transition, jusqu’à ce jour, travaille pour le pays avec efficacité et non pour un groupe restreint (secteurs), dans le respect de la Constitution et des milliers de textes de lois qui régissent le fonctionnement de l’Administration Publique Haïtienne. Pourquoi donc cet entêtement à vouloir publier un accord illégal comme si le salut d’Haïti proviendrait de cette publication ?

La publication de cet accord va-t-elle réellement sauver la population haïtienne ? La publication de cet accord résoudra-t-elle les problèmes du pays ? Quel est l’intérêt de rendre opposable aux tiers un accord entaché d’irrégularités tant dans la forme que dans le fond ? Le désir de publier l’accord ne constitue-t-il pas l’ultime prétention de certains secteurs qui croient, à tort, qu’ils seraient les seuls à pouvoir diriger le pays alors qu’ils ont été souvent considérés comme des éléments de blocage, peu enclins à trouver des compromis pour l’intérêt collectif ?

En conclusion, l’accord du 3 avril 2024 présente trop de failles légales pour être publié. Sa publication ne garantit aucunement son exécution, comme le prétendent faussement certains secteurs. Cette publication permettra à certains secteurs (Représentés) de s’immiscer dans la gouvernance du pays, via une Assemblée composée de 27 membres, alors que le pays est actuellement gouverné par 9 CP, un Premier Ministre et les membres de son gouvernement.

Junior Moschino Remy

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